Descente

Le capitalisme dit : "Tu veux plus ? Tiens, voilà d'autres objets, achète", sachant que l'accumulation des objets, le discours [...] maternel, narcissique et pervers de la publicité ("Tu es le plus beau, tu mérites plus, tiens, prends encore cela") ajoutent à la frustration, à l'angoisse et à l'insatisfaction permanente des consommateurs-enfants. Le capitalisme maintient les hommes dans l'enfance, dans l'insatiabilité, plonge les hommes le nez dans le guidon ("Nous voulons en faire toujours plus dans le travail, nous voulons consommer toujours davantage").
Le capitalisme sait que le temps, devenu laïque, n'appartient plus aux dieux ni à Dieu, mais aux hommes, qui cherchent à le rendre de plus en plus élastique, à l'allonger. Il impose la nouvelle idéologie du rendement : faire en une heure ce que l'on faisait en un jour, en une minute ce que l'on faisait en une heure, etc. En dérobant le temps à Dieu, nous avons accaparé la question de la mort. Celle-ci est devenue une sorte de maladie mal soignée. Nous la fuyons, nous la refusons. Et pour mieux y parvenir, nous nous divertissons, comme le relevait déjà Pascal. Nous nous étourdissons.

(Bernard Maris, dans Gouverner par la peur)